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Le blog de hubertherve75

L'accueil du mal de vivre la douleur en souffrance dans le mental et le transfert social

13 Avril 2022 , Rédigé par Hubertherve75

L'accueil du mal de vivre la douleur en souffrance dans le mental et le transfert social
 

 

L’accueil du mal de vivre la douleur en souffrance dans le mental, et le transfert social

 

 

L’association Analyse Pratique Psycho-Sociale ( APPS ) a pour objectif d’établir de nouvelles pratiques dans les modes de faire entre camarades humains, de nouvelles pratiques de production dans la vie sociale tant au niveau de la théorie que de la pratique concrète vivante. 

 

Notre outil principal repose sur le concept de transfert social et notre travail analytique s’en nourrit. 

Nous partons d’une analyse des pratiques dans le transfert social tant au niveau de l’individu ( un individu tout seul cela n’existe pas) que du collectif ( le collectif n’est pas une somme d’individus )

 

1. Les connexions transférentielles de valeurs

 

Le transfert social est un transfert, c’est à dire un déplacement dans les rapports avec les autres, des affects,  des ressentis, des attributions de significations, de jugements concernant les attributions  sociales de valeurs diverses. Nous avons affiné cette question de ce qui se transfère dans le social avec le terme « transfert de valeurs » Wertübertragung : chaque personne porte des valeurs  qui fonctionnent dans les rapports aux autres. Ces valeurs ne sont pas des valeurs philosophiques abstraites mais des valeurs matérielles qui sont faites de ce qui constitue l’identité humaine : la connexion entre les images, les mots, les sensations de corps. Il y a donc des valeurs-images, des valeurs-mots, des valeurs liées aux sensations de corps. Ces valeurs ont différentes formes d’expression et se connectent, font connexion ensemble, de façon évolutive pour une personne dans sa relation avec les autres. Dans cette évolution il y a à la fois des connexions statiques et des connexions qui font mouvements, connexions de formes valeurs en tous les cas.

Qu’il soit statique ou en mouvement cette  connexion  concrète pour une personne est le produit d’un transfert historique, le produit de son histoire : quelles formes valeurs ont pris un mot, une image, une sensation de corps, pour une personne dans son vécu historique toujours en rapport avec les autres ? La connexion est un produit qui peut rester statique en apparence mais toujours sollicité  par un transfert actif, une histoire vivante. Chaque connexion est prise dans un transfert actif : tel mot va se connecter, maintenir cette connexion ou la changer suivant les circonstances historiques du transfert social. Il en est de même de l’image ou du « sensible hypersensible » du rapport au corps.

Ces connexions fonctionnent comme des anneaux constitués de valeurs qui forment des chaînes, chaînes de valeurs qui fonctionnent en anneaux dans les rapports sociaux. La société fonctionne en anneaux.

Ce transfert social de chaînes de valeurs dépend des conditions concrètes de vie qui dépendent de l’organisation de la société, c’est-à-dire de l’Etat à un moment historique donné. 

Il y a ainsi un transfert vers ce qui commande l’organisation de la production de la société, vers ce que produit une société ( sans  cantonner le terme de production à l’économique ) et cela a des effets sur comment nous vivons transférentiellement dans cette société, en relations individuelles, en groupes plus ou moins élargis avec des rapports hiérarchiques de commandements différents. 

 

Nous sommes ainsi en tant qu’individus, en tant que personnes, à la fois agents, effets et produits des rapports sociaux qui sont produits par cette société. 

 

Il y a dans ces rapports sociaux qui sont produits par une société donnée à un moment historique donné, des impératifs et des contraintes sociales qui ont des effets et qui sont donc des effets liés au transfert de valeurs : le transfert de valeurs est caractérisé par un transfert sur un produit, sur une production, un transfert sur ce qui se fait. 

 

2. « Il n’y a pas de maladie mentale mais une problématique sociale en souffrance douloureuse dans le mental »

 

L’un des objectifs de l’association Analyse Pratique Psycho-Sociale ( APPS ) est avec  cette analyse sociale de théorie pratique, de pouvoir aider les camarades humains qui présentent une problématique de souffrance dans leur mental, de douleur dans leur pensée, quelles que soient les formes-valeurs d’expression de ces douleurs en souffrance.

S’il est parlé « analyse pratique psycho-sociale » cela veut dire qu’il y a une pratique de transfert qui s’établit pour toute personne et qu’il convient de l’analyser dans un travail de rencontres où il est nécessaire de placer toutes les questions sur le terrain historique non seulement pour expliquer le passé, mais pour déployer une activité pratique visant à la réalisation de  l’avenir. Et pour cela il est nécessaire de prendre en considération l’insu d’un faire et les oscillations de pensée qui tous deux génèrent de la souffrance dans le mental. 

 

Cela correspond à la formulation nouvelle des problématiques de souffrance psychique : «  Il y a un transfert du social dans le mental » et plus précisément encore « Il n’y a pas de maladie mentale mais une problématique sociale en souffrance douloureuse dans le mental ». Cette problématique sociale est une question pratique et concerne bien cette formulation : «  La question de l’attribution à la pensée humaine d’une vérité objective n’est pas une question de théorie, mais une question pratique. C’est dans la pratique que l’homme a à faire la preuve de la vérité, c’est-à-dire de la réalité et de la puissance de la pensée, la preuve qu’elle est de ce monde. Le débat sur la réalité ou l’irréalité de la pensée isolée de la pratique - est une question purement scolastique. »

 

Il s’agit donc de placer au centre de la question transférentielle sociale essentielle de l’attribution de pensées, la question du rapport de la pensée à la vérité pratique, ce qui fait preuve de vérité dans la pratique sociale. Prendre le rapport à la pensée ou à l’idée comme une question pratique sociale est profondément novatrice pour quiconque souhaite s’intéresser à la douleur en souffrance dans le mental.

 

Cet extrait des thèses du jeune Marx adressé au philosophe Feuerbach en 1845-46 est intéressante car Feuerbach pourrait être considéré comme  porteur des valeurs philosophiques auto-proclamées progressistes d’aujourd’hui dans la fausse démocratie que nous connaissons. Ces valeurs ont dérivé dans le développement historique du XXème siècle vers des idées dont le contenu est qualifié communément « humaniste » mais qui correspond au final à celui de « consensuel-conservateur », à savoir conservateur d’un ordre établi au bénéfice d’un système basé sur le meurtre de l’autre, le meurtre social, dans une hypocrisie phénoménale. Marx critique cette philosophie dans ces 11 thèses en insistant sur le primat de la pratique sociale, de la pratique qui concerne donc l’autre, l’altérité, les rapports sociaux et de la nécessité de transformer ces rapports sociaux, les conditions de vie. 

 

Dans cette phrase, Marx évoque sans doute plutôt la pensée philosophique mais nous pouvons  dans le champ de l’analyse pratique  psycho-sociale, extrapoler sur la pensée en pratique sociale et la question cruciale de l’attribution à la pensée d’un humain d’une vérité objective, soit donc l’affaire de l’attribution d’une signification pensée dans un rapport social et son rapport à la vérité, et plus précisément l’attribution de cette signification dans le rapport avec l’altérité, l’autre. 

Cette attribution de pensée dans un rapport à l’autre est  au coeur des formes-valeurs d’expression de ces douleurs de pensées en souffrance que nous mentionnions précédemment. 

 

Quelle portée à un mot dans le rapport à un autre, aux autres, quelle valeur prend-t-il ? De même pour un geste du corps, un ressenti corporel, un regard, une image ? De quoi cette valeur attribuée fait-elle signe dans le transfert avec l’autre, dans la relation avec l’autre ? Quelle signification va être attribuée ? Est-ce que cela est vrai ? Comment l’objectiver ? Que faire avec ces transferts langagiers de mots, ces transferts visuels d’image et de regards, ces transferts d’émotions corporelles ?

Cela se prouve également dans le rapport social produit avec les autres et cette preuve va donner lieu en amont et en aval à des productions dans le mental : des attributions de significations, des attributions d’intentions, des possibilités de faire. 

 

Le jeu des valeurs et leurs possibilités transférentielles sont au coeur des échanges sociaux, des échanges entre les personnes. 

 

Dans ce travail partagé d’élucidation des problèmes liés au transfert du social dans le mental, les questions liées à la pratique sociale des négations sont essentielles. 

Ces négations sont bien évidemment des négations pratiques dans le mental et transférentielles, prises dans un transfert et ce qui a pu être mis en évidence par Freud comme négation est un travail qui doit être utilisé autrement qu’il l’a fait par le biais du concept de transfert social. 

Rappelons simplement : 1.refoulement, Verdrangung, transfert d’un DRANG soit d’une poussée, 2. négation, Verneinung, transfert d’un NEIN, 3.louche refus ou déni, Verleugnung, transfert d’un LEUGN, 4. rejet, Verwerfung, transfert d’un VERWERF, ces différentes formes de négation se connectent aux débordements transférentiels en rapport avec les émotions vécues. 

Ce sont différentes formes de transferts de négations en mouvement qui sont à raccorder non pas à une anatomo-pathologie psychologique, une psycho-pathologie,  mais à une pratique sociale qui concerne les rapports entre les formes - valeurs mots-images et corps : ce que l’on ne veut pas savoir certes mais surtout ce que l’on ne veut pas voir, sentir, qui sont donc différents modes de faire.

Il y a ce que l’on ne veut pas faire et puis ce qui est retranché par le jeu des valeurs : une valeur ne compte plus, n’a plus de possibilité d’expression, ne fonctionne plus comme valeur d’expression, autre mode de négation du faire dans un fonctionnement social. 

 

Cette négation du faire, le moins, est le résultat d’un fonctionnement social du plus qui pousse.

 

Dans ce contexte, les poussées contraires, les contradictions sociales pratiques qui poussent dans une direction ou son opposé peuvent provoquer des « pertes de raison » et surtout des mouvements de pensées oscillatoires, des poussées contraires. 

Ce sont les connexions ou les séparations de valeurs en tant qu’elle sont valeurs en relation les unes avec les autres qui provoquent des dynamismes ou des stagnations ou  encore des effondrements.

 

3. Le jeu de miroirs transférentiels 

C’est donc ainsi que naissent des souffrances dans le mental dans l’altérité même du rapport social. Cette altérité peut se cantonner à l’autre qui est vu dans le miroir, son propre corps vécu étrangement dans son image, son ressenti, et les mots qui pourraient faire résonance, reconnaissance et ne le font pas dans le jeu des valeurs qui sont attribuées dans les reflets apparents de soi à soi. Le miroir n’est pas limité à l’objet qui fait reflet d’images mais concerne également les mots et les sensations de corps. 

Le jeu de miroirs est un jeu transférentiel qui concerne les valeurs, les formes valeurs et plutôt que de voir la souffrance comme un signe déficitaire, plat de lentilles commun à la psychiatrie et à la psychanalyse d’aujourd’hui, il me paraît important de la voir comme signe d’expression autre permettant de saisir le fonctionnement de valeurs humaines différentes dans un registre donné et de saisir l’apport de ce transfert de valeurs là dans l’ensemble des rapports sociaux que nous avons, et que c’est sur ce point précis que nous allons pouvoir aider ces personnes dans leurs capacités de régler eux-mêmes leurs problèmes, d’accomplir leur besoin de changer leurs besoins, de vivre libres. 

Ce sont ces points qui sont à analyser et travailler dans la relation transférentielle d’aide et d’émancipation en analyse pratique psycho-sociale. Ce sont ces points qui se connectent au poiésis.

 

4. Les rapports sociaux ne sont pas adéquats à la question que posent les personnes qui ont une douleur en souffrance dans le mental.

Cette conception énoncée par le titre de ce paragraphe dans l’abord de la souffrance de la douleur dans le mental est évidemment un renversement total par rapport au principe abstrait de maladie mentale qui fait répression des potentiels  aujourd’hui comme hier dans des contextes historiques et économiques différents parce qu’il ne répond pas aux besoins des personnes concernées par une douleur de l’esprit, une douleur  concrète vécue dans le mental. Cette affirmation pourrait être prise comme une position « antipsychiatrique ». Certes, il convient d’entendre la nécessité impérieuse de passer à des pratiques radicalement différentes concernant la souffrance mentale, aussi grave soit-elle dans sa forme d’expression ; cependant je considère que la psychiatrie est une branche de la médecine qui traite expressément cette douleur dans le mental et que sa fonction devrait permettre de comprendre et d’aider les personnes concernées par cette souffrance. Elle n’en a pas l’exclusivité et il convient de pouvoir ôter les masques de spécialistes qui nous protègent de rencontres humaines authentiques et ainsi, autoriser les potentiels soignants contenus chez tout un chacun dans certaines conditions. Enoncer «  Il n’y a pas de maladie mentale ! » implique donc que les pratiques psychiatriques et psychothérapiques actuelles doivent changer de base. Notre vie sociale est une expérience transférentielle de valeurs. Nous sommes pris dans un transfert social, c’est à dire que nous sommes à la fois agents, effets et produits des rapports sociaux que nous vivons. Cette base est fondamentale et change considérablement la donne pour les personnes qui présentent une douleur psychique. Cela change également la base du transfert psychothérapeutique classique, le rapport au savoir psychanalytique, le rapport aux pratiques de transfert. Cela implique en effet que s’il y a une souffrance psychique pour des personnes dans la vie concrète, cela indique en même temps que les rapports sociaux ne sont pas adéquats à la question que posent ces personnes. C’est là un éclairage fondamental. Il y a des questions portées par des personnes qui souffrent dans la société par les formulations qu’elles posent et il s’agit d’étudier avec elles, ce qui dans le rapport social est exprimé là. Il y a un conflit entre la force vitale sociale et le rapport social existant.  C’est ce qu’explique Antonin Artaud dans son oeuvre avec sa lucidité. Il convient de changer les réponses données à leurs questions car les réponses dominantes actuelles sont de l’ordre de la répression sociale et donc répriment ce qui est contenu. Le terme « maladie mentale » renvoie au moins à deux points qui sont à changer dans les pratiques : tout d’abord le rapport avec l’autre, qui est dans le principe dominant actuel un rapport d’observation. Ensuite, vient la forme d’un savoir qui complète ce rapport de subordination et met les personnes dans la prison de la catégorisation psychopathologique. Cela correspond concrètement à un emprisonnement de la pensée et à une condamnation sociale. Libérer les potentiels inhibés, qui poussent alors la personne vers la vie dans sa relation aux autres, favoriser les créations de vie en considérant l’être humain comme un artiste en partition avec les autres, donnent d’autres perspectives pour les humains déchirés dans leurs souffrances, que de les classer en schizophrènes, paranoïaques ou hystériques ou bien encore de cocher des cases pour faire un diagnostic de désordres mentaux type DSM : TSA, TDHA, bipolaire, j’en passe et des meilleurs… Ces catégorisations font partie de l’arsenal bureaucratique et correspondent en leurs fondements - parfois à notre insu - à des logiques colonisatrices.

Partir du vécu concret de l’histoire familiale et sociale, de son enfantement, permet d’éclairer les issues émancipatrices pour les personnes souffrantes. Nous sommes alors dans le champ de l’analyse pratique qui permet de repérer les obstacles liés au champ de la transcendance qui fait fonctionner des principes qui sont à la fois sources de toute explication et réalités supérieures. Georges Canguilhem, médecin, philosophe et résistant contre la barbarie nazie, souligne un point qui fait directement écho à la problématique du transfert social avec cette phrase : « Par une altération lente du sens de ses objectifs la médecine, de réponse à un appel qu’elle était primitivement, est devenue obéissance à une exigence (…) Ainsi, la médecine qui est primitivement réponse à un appel émanant d’une personne singulière s’est trouvée déviée par ce qui est devenu obéissance à l’exigence des normes et des protocoles ».  Cet énoncé de Georges Canguilhem a des incidences dans tous les champs de la pratique médicale. Cela concerne la psychiatrie mais aussi bien les autres champs concernés par la souffrance dans le mental : la psychologie et la psychothérapie dans leurs obéissances aux exigences transcendantales.

 La souffrance ou la douleur ont une fonction d’appel et cela survient toujours dans le contexte d’un rapport social, d’une relation sociale. Le socius est l’autre, le compagnon, le camarade. L’énoncé « Il n’y a pas de maladie mentale » ne peut prendre sa signification qu’en complément de «  Il y a une problématique du social dans le mental ». Il y a un transfert des problématiques sociales, des problématiques de ce qui se socie dans le mental. Le terme « analyse pratique psycho- sociale » affirme le désir d’analyser ce transfert, toujours social, d’en découvrir l’insu qu’il porte, ses conditions historiques singulières. Partir d’une autre base - celle de la vie sociale concrète et des transferts qui agissent, qui ont des effets, qui produisent - permet de renverser les poussées destructrices, repère fondamental pour saisir les fixations de jouissance qui collent à la souffrance. Marx l’indiquait dans ses Manuscrits Parisiens en 1844 « Le pâtir humain - compris humainement - est une jouissance de soi de l’homme ». Avec cette autre base, la dimension poétique du savoir qui se manifeste dans l’analyse pratique psycho-sociale permettra de mettre en valeur un autre rapport humain, et ce qui pourra s’autoriser désormais : les  conditions de la liberté et de disposer toujours plus librement de soi.

 

 

6. Vers la création d’un centre d’accueil différent pour entendre et faire avec le malaise à vivre le transfert du social dans le mental.

 

L’APPS a pour vocation de développer la mise en places de pratiques d’accueil et d’aides concernant le malaise à vivre le transfert du social dans le mental. 

Outre la qualité de l’accueil,  ce premier lieu nous permettra d’avancer sur la question pratique posée en 1981 par Lucien Bonnaffé dans son ouvrage «  Pour une psychiatrie populaire «  c’est un principe élémentaire que pour favoriser le propre éveil chez l’autre de ses propres capacités quant à saisir ce qui est en jeu et maîtriser les problèmes de la relation perturbée, il faut beaucoup plus de temps que que pour se saisir de la personne et de ses problèmes et en monopoliser le traitement  dans une prise en charge plus ou moins institutionnalisée. » ( p. 37 ) Il s’agit bien de renverser le principe dominant qui est de « se saisir de la personne et de ses problèmes et en monopoliser le traitement  dans une prise en charge plus ou moins institutionnalisée »

Cette pratique nouvelle nous aidera dans l’élargissement à d’autres questions portées par cette problématique des rapports sociaux perturbés qui ne sont pas adéquats à la question que posent les personnes qui ont une douleur en souffrance dans le mental.

 

Hervé Hubert

 

 

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